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 Pour commencer, pourriez-vous vous présenter brièvement ?

Je suis issue de la promo 2015 des Vignes. J’ai poursuivi mes études au lycée Charles Péguy où l’axe interreligieux était plus marqué : on avait, par exemple, trois rencontres interreligieuses par an, ce qui permettait ensuite des échanges très riches entre nous.

J’ai passé un bac S, spécialité maths, puis je me suis dirigée vers une prépa intégrée. C’est en discutant avec une ancienne élève des Vignes que j’ai découvert l’ICAM à Lille, une école d’ingénieurs à la spiritualité jésuite, à taille humaine qui accueille entre 150 et 200 étudiants par promotion.

Ce que j’y ai trouvé m’a profondément marquée : une exigence réelle, mais accompagnée, une attention à la personne, fidèle à la tradition ignatienne.

Quels souvenirs gardez-vous de votre passage aux Vignes ?

Avant tout, les amitiés solides : on était très soudées, et ces liens perdurent encore aujourd’hui. On a fêté les 10 ans de notre promo dans un bar, et on remet ça dans quelques jours.

J’ai aussi beaucoup apprécié le tutorat. Pouvoir discuter avec un adulte bienveillant qui n’est pas un parent est vraiment précieux. À cet âge, avoir un tiers de confiance nous aide à grandir.

Des professeurs vous ont-ils particulièrement marquée ?

Oui, plusieurs ! Notre professeur d’histoire, par exemple, nous a appris à prendre des notes dès la 4e. Elle nous obligeait à le faire, mais avec patience et rigueur. C’était exigeant, mais formateur.

Je me souviens aussi d’un professeur qui nous avait mis en garde : « La copie parfaite, ça n’existe pas ! » une façon de nous pousser à l’excellence sans jamais nous décourager.

Je me souviens également des séances de méthodologie avant les compositions : elles m’ont appris à m’organiser, à structurer ma pensée.

En somme, j’ai vraiment appris à travailler aux Vignes.

Vous sentiez-vous accompagnée aussi sur le plan spirituel ?

Oui, énormément. Il y avait la messe chaque semaine, des temps de méditation à la chapelle… C’est là que j’ai découvert l’oraison. En y repensant aujourd’hui, je mesure combien les Vignes m’ont « tirée vers le haut », souvent sans que je m’en rende compte sur le moment.

Aviez-vous une idée précise de ce que vous vouliez faire à l’époque ?

Pas du tout ! J’ai mis du temps à me situer. C’est à l’ICAM, lors d’un forum des métiers, que j’ai eu un déclic. Il y avait un photomaton : on déposait notre photo dans une boîte pour participer à un tirage au sort. J’ai gagné une journée d’immersion en entreprise. J’ai contacté la DRH pour demander un stage, obtenu deux entretiens… et voilà comment j’ai commencé sur un chantier de construction d’immeubles de bureaux !

Parlez-nous de votre formation post-bac. Pourquoi avoir choisi l’ICAM ?

Je l’ai choisi après avoir assisté à une journée portes ouvertes. Ce qui m’a frappée, c’est la liberté des étudiants, leur franchise. Ils ne faisaient pas semblant, n’avaient pas peur de dire ce qu’ils vivaient, même leurs difficultés.

L’école propose aussi un projet appelé « experiment » : à la fin de la première année, on part quatre mois pour réaliser un projet personnel, que l’on doit monter et financer de A à Z. Certains sont partis à vélo entre Angers et Jérusalem, d’autres en roadtrip en Asie ou dans des fermes d’Amérique du Sud.

Malheureusement je tombée dans la période COVID au moment de faire mon projet. J’ai donc décidé de revoir mes plans en partant à l’aventure, sac sur le dos, sur les chemins de Saint-Jacques, de Lourdes jusqu’à Compostelle, pendant un mois et demi. Un périple marquant, entre grands espaces, rencontres inattendues et dépassement de soi. Avant cela, j’avais déjà enchaîné trois camps d’été, chacun avec son ambiance et ses défis : un camp louveteaux, un autre avec la paroisse Saint-Marc-des-Bruyères, et un dernier avec des guides. Un été dense, libre et formateur, hors des sentiers battus.

Ce projet profondément transformée. J’en garde de très bons souvenirs.

Avez-vous traversé des moments de doute ?

Oui, surtout pendant le COVID. Je me suis demandé ce que je faisais là. Mais ça n’a pas été paralysant. J’ai tenu bon, en avançant étape par étape.

Vous avez effectué plusieurs stages. Lequel vous a le plus marquée ?

Mon stage chez Ramery m’a beaucoup appris. J’étais aide conductrice de travaux. Ensuite, j’ai pris du recul pendant six mois pour rédiger mon mémoire.

Aujourd’hui, je travaille pour VLD, une entreprise spécialisée dans la restauration du patrimoine. J’ai notamment eu la chance de participer aux travaux de Notre-Dame de Paris et du Grand Palais.

Concrètement, en quoi consiste votre travail de conductrice de travaux chez VLD ?

Chez VLD, je pilote des chantiers de restauration du patrimoine, ce qui signifie que je suis responsable de l’exécution des travaux sur des bâtiments historiques. Je coordonne les équipes sur place, je planifie les étapes du chantier, je m’assure que tout se déroule dans les délais, dans le respect des normes de sécurité et des exigences du client, souvent des architectes du patrimoine ou des institutions publiques.
Chaque chantier est unique.

Par exemple, à Notre-Dame, j’ai travaillé sur des éléments métalliques très spécifiques comme des grilles de ventilation et des rampes d’escaliers, en lien avec les charpentiers, les couvreurs, les architectes. Il faut comprendre les contraintes techniques, anticiper les imprévus, et garder une vue d’ensemble.

C’est un métier très concret, qui demande à la fois de la rigueur, de l’adaptation, un bon relationnel, et un vrai sens du détail, surtout quand il s’agit de restaurer des monuments aussi symboliques que Notre-Dame ou le Grand Palais.

Ce que j’aime, c’est que je participe à la préservation d’un héritage commun, tout en étant au cœur de l’action, sur le terrain.

Qu’avez-vous appris sur vous-même dans ce monde très masculin ?

Je suis plus débrouillarde que je ne le pensais ! J’ai dû apprendre à gérer des équipes, donner des consignes à des ouvriers bien plus expérimentés que moi. En étant à l’écoute, en me montrant humble, j’ai su gagner leur respect.

Être une femme peut même être un avantage. Il faut juste savoir poser ses limites, avec humour parfois, ou plus fermement si besoin. La simplicité, la transparence sur ce que je suis, ma foi… ça désarme souvent.

Quels conseils donneriez-vous à une jeune fille qui hésiterait à se lancer dans ce métier ?

Qu’elle ose. Qu’elle ait du caractère, qu’elle apprenne à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Il ne faut pas chercher à tout prix à plaire, mais à être soi-même.

Les grandes gueules, tu en croiseras. Mais si tu sais ce que tu veux, tu tiendras. Et tu seras respectée.

Si vous pouviez parler à l’élève que vous étiez au collège, que lui diriez-vous ?

Qu’elle n’a rien à envier aux autres. Qu’elle est bien formée, que l’école qu’elle fréquente lui donne des bases solides, même si elle ne s’en rend pas encore compte.

Diriez-vous que les Vignes ont contribué à faire de vous la femme que vous êtes aujourd’hui ?

Oui, sans aucun doute. L’exigence bienveillante, la formation intellectuelle solide, l’accompagnement humain et spirituel… tout cela a posé des fondations durables.

Et que diriez-vous à une jeune fille,  ou à ses parents, qui hésite à rejoindre les Vignes, établissement hors contrat et exclusivement féminin ?

Je leur dirais de foncer. Le fait que ce soit un établissement de filles et en uniforme peut surprendre au départ, mais on s’y sent libre. On ne perd pas de temps le matin à se demander comment s’habiller. On gagne en concentration, en unité.

Et surtout, on n’est pas coupées du monde : on apprend à réfléchir, à penser par soi-même. C’est une formation exigeante, intellectuelle et surtout humaine !

Avec le recul, que signifie la réussite pour vous ?

Ne pas avoir peur de rêver. Réussir, c’est construire un chemin qui a du sens pour soi, en étant fidèle à ce qu’on est profondément.